Galerie d’art
du parc
Art actuel ‑ Trois-Rivières

broderie sur lignes de codes

L’exposition que nous offre Hélène Latulippe est épurée, minimaliste et symétrique. Le visuel est simple et lorsqu’on y pose les yeux, les réflexions se bousculent.

L’artiste a su capter l’essentiel de son sujet et les lignes simples nous transportent vers un large univers où la mémoire domine.

Pourquoi utilisez-vous l’estampe pour exprimer vos idées ?

H.L : L’estampe est un médium qui se prête bien pour travailler sur la mémoire. Pour moi, cette notion est une trace dans le cerveau et elle apporte de l’émotivité dans le corps. L’estampe c’est aussi une trace, une emprunte.


Qu’est-ce qui a forgé
votre personnalité artistique ?

H.L : Comme la plupart des artistes, l’enfance. Tout débute avec le plaisir de jouer. L’enfance nous porte à utiliser notre imaginaire, nos mains. On peut fabriquer des choses, construire des scénarios. En grandissant, c’était plus facile pour moi de montrer plastiquement ma vision du monde qu’avec des mots. De même que c’est plus facile pour moi de le montrer de manière abstraite qu’avec des images. Plus ce que je crée est simple, plus je peux lui faire dire des choses et c’est là que tout devient intéressant.


Pendant presque quarante ans, vous avez fait carrière dans
le domaine du design industriel. D’où vient ce désir de tout quitter et de devenir artiste ?

H.L : Ce désir a toujours été là. Par contre, je ne voulais ni enseigner ni vivre pauvre alors je me suis tournée vers une carrière stable. J’ai tout de même choisi un métier qui, pour moi, était proche de l’essence de l’art, de la création. Pendant quarante ans j’ai gagné ma vie, à présent je peux m’exprimer et laisser libre cours aux arts.


Comment aborderiez-vous votre œuvre
face à une personne qui la découvre pour la première fois ?

H.L : Je proposerais de faire comme David Moore nous le demandait quand j’étais étudiante : observer l’œuvre pendant 5 minutes, avant même d’y réfléchir, avant même d’y lire le titre, avant même quoi que ce soit. Laisser l’œuvre venir à vous avant de vous faire une idée. Parce que ce je veux que l’œuvre résonne directement dans la mémoire des spectateurs. Il faut laisser l’image venir vers vous et la laisser vous submerger. C’est ainsi qu’on peut découvrir ce que l’œuvre a à offrir. En atelier, c’est moi qui travaille, mais en galerie, c’est au tour du spectateur.


Votre travail évoque la mémoire, comment cette thématique prend vie dans votre travail ?

H.L : Comme pour n’importe quelle thématique, il faut être alerte. En regardant comment les autres abordent la mémoire, en lisant, en s’informant, se documentant et en analysant ma propre mémoire. Ma réflexion a commencé avec un travail de recherche sur Richard Serra qui a basé sa production sur un seul souvenir d’enfance : le lancement d’un bateau. Il a alors travaillé toute sa vie sur l’équilibre, sur la masse et sur le poids. C’est la même chose pour moi. Je commence avec un seul point de départ, une seule ligne, une seule forme qui finit par se transformer en un vaste discours. Je cherche à reproduire un souvenir, une mémoire qui est universelle.


Vos œuvres proposent
une approche minimaliste.
D’où vient ce désir d’épurer
pour exprimer une idée ?

H.L : C’est ma nature profonde. J’aime aller à l’essentiel. Ma formation comme designer industrielle m’a amenée à analyser le besoin pour ensuite garder le nécessaire afin de transmettre l’idée. Lorsque l’on crée, il est tout aussi important de pousser son sujet jusqu’à l’essentiel.


Pour votre exposition à la GAP, vous vous êtes inspiré
des écrits de Joan Gibbons et de Marcel Proust.
Dans quelle mesure leurs mots éveillent pour vous la création?

H.L : Gibbons et Proust m’offrent toute la liberté possible. La mémoire a un sens large, on peut l’interpréter et la vivre de différentes façons. Plus vous vous rappelez un souvenir, plus il est déformé. Plus on essaie de le classer dans des catégories, plus on en perd le sens. C’est fascinant. C’est alors un bassin d’informations sans fin.

Textes & photos de Caroline Champoux

Gardons contact!

Pour ne rien manquer, abonnez-vous à notre infolettre!